Pour ce projet, l’artiste explore le regard comme médium utilisé dans l’approche et la connaissance de l’autre. Rodolfo Gallego a réalisé des portraits de personnes aux yeux clos qui nous mettent face à l’inconnu et sollicitent ainsi notre imagination pour tenter d’entrer dans leurs réalités intérieures. Ce projet témoigne du caractère subjectif des relations et des projections, voire des préjugés que nous pouvons avoir face à l’autre.
Réalisation
« J’ai choisi une technique qui consiste à créer des portraits en grand format, à la manière d’une sérigraphie manuelle. Mon processus de création commence en peignant entièrement le calque avec de la peinture synthétique, en utilisant des couleurs vives et des formes homogènes.
Une fois que ce fond est sec, je travaille sur l’image que je vais peindre sur mon papier, à la taille réelle, à l’ordinateur. Ensuite, j’imprime cette image sur papier et je la décalque sur une table lumineuse, en la superposant aux calques déjà peints en fond.
Ensuite, je travaille avec des feutres pour créer les séries de petits motifs qui se superposent et s’entrelacent jusqu’à former le portrait final. Ce processus exige une grande minutie et précision, mais c’est une démarche que j’apprécie énormément. Cela devient presque une forme de mantra que je répète pendant des heures, comme une obsession créative qui m’anime. J’ai choisi cette technique car je souhaitais que le portrait soit fidèle à la personne et aussi par respect pour ce que les gens qui ont posé m’ont donné. C’est une façon de les valoriser et de rappeler que chaque personne a de la valeur, indépendamment de son statut social.
Les personnes représentées sur ces portraits sont suivies par l’Hospice général. Elles ont posé les yeux fermés. Cette caractéristique confère une profondeur émotionnelle particulière, en saisissant des moments d’introspection, de rêve, de souvenir, de repos ou de sommeil. Les expressions du visage et les micro-gestes subtils deviennent le langage visuel de ces portraits, ouvrant une fenêtre sur l’intériorité de chacun.
À travers cette esthétique visuelle unique, le projet vise à provoquer une réflexion sur la dualité entre la vie et la mort, tout en suscitant un lien entre les spectateurs et les individus représentés. Les regards clos révèlent des impressions et des pensées, créant un lien invisible entre le sujet et l’observateur. Ce médium artistique devient ainsi une passerelle entre l’extérieur et l’intérieur, reliant l’artiste, les sujets et le public. Cela permet de donner libre cours à l’imagination de celle ou celui qui regarde. Plus vous connaissez une personne, plus l’image que vous vous faites d’elle est précise et réduit le champ des possibles. À travers « Regards », le portrait va au-delà de la surface pour transmettre une profondeur émotionnelle et établir des connexions humaines. »