La rencontre et les liens qu’il peut tisser avec ses sujets ont toujours été au cœur de la démarche artistique d’Olivier Miche, photographe et musicien. Le projet qu’il a conçu pour Résidences croisées n’échappe pas à la règle. Entretien à mi-parcours.
Les bénéficiaires de l’institution qui ont décidé de participer à « Echange-s » constituent le pivot de votre projet. Qui sont-ils?
Le groupe était composé au départ de six personnes suivies par l’Action sociale ou l’Aide aux migrants. L’une d’entre elles, originaire d’Ukraine, est depuis lors repartie dans son pays. A l’exception d’une Genevoise, toutes ont un parcours migratoire. Elles sont originaires du Brésil, d’Erythrée, de Turquie ou d’Ukraine. Je les ai rencontrées individuellement et j’ai été étonné à quel point la confiance s’est rapidement établie entre nous. Elles m’ont raconté en toute liberté leur parcours de vie. La plupart d’entre elles pratiquent une discipline artistique : la peinture, la photo, la musique ou la vidéo. C’est un point que nous avons en commun et qui nourrit nos échanges.
Que retirez-vous de ces rencontres ?
Toutes ces personnes ont subi dans leur vie des événements d’une grande violence, mais leurs traumatismes ne les empêchent pas d’avancer. L’année 2022 a été pour moi compliquée sur un plan personnel et ce qu’elles m’ont raconté a fait écho, dans une moindre mesure, avec ma propre existence. Je constate qu’elles n’ont pas d’autre choix que de se reconstruire et d’aller de l’avant ; pour certaines personnes, cela implique de changer complètement de vie.
Comment se présentera concrètement l’œuvre que vous allez réaliser pour Résidences croisées ?
C’est un film dans lequel j’incorporerai des éléments qui ont surgi depuis le démarrage du projet et mes premières rencontres avec les participant-es. Je dois préciser que je n’envisage pas de réaliser un documentaire, mais plutôt un film poétique qui mêlera différents supports artistiques. J’ai par exemple réalisé des dessins qui m’ont été inspirés par leurs récits. J’ai également beaucoup de textes qui sont prêts. Dans ma vie d’artiste, deux outils me sont indispensables : je travaille avec un logiciel qui permet de créer des liens entre différentes informations, de type mind map, et un logiciel qui permet d’organiser l’information. J’ai besoin d’un temps de gestation et ces logiciels sont pour cela très utiles. Maintenant, il va me falloir élaborer la trame et la composition du film.
Mais au préalable, je vais encore rencontrer les participant-es. Il et elles ont accepté que ce nouvel entretien se déroule à leur domicile et que je vienne avec un appareil photo, une caméra et un enregistreur. Il est clair cependant que les personnes doivent être à l’aise avec les éléments que j’intégrerai dans le film.
Et la musique dans tout cela ?
Oh, je vais bien sûr composer la musique du film. J’aime beaucoup travailler sur la base d’un support, quel qu’il soit. Paradoxalement, cela me donne plus de liberté. Je collabore en tant que photographe à rictus.info et cela m’a donné l’occasion de découvrir des musiques que je trouve très inspirantes, comme la musique sérielle.
Entretien réalisé le 13 avril 2023
Photos : Isabelle Meister